Géographe à la limite

Étude géographique des frontières en Amérique du Sud

Le jésuite, la brute et le sauvage

Concepción - Chiquitanie - département de Santa Cruz

À Concepción, en Chiquitanie, cette statue a été érigée en mémoire des trois acteurs principaux qui longtemps furent les seuls dans l’Oriente bolivien. La relecture est sous l’influence de l’historiographie missionnaire. Le  padrecito, au sommet du triumvirat, tient un enfant et une croix. Il regarde vers le ciel, peut être pour y distinguer les voies du seigneur. À la base, l’indien et le conquistador sont armés. Le premier tend un arc vers le ciel. Est-il un bon sauvage ou un  indio bravo qui mène la vie dure aux pères jésuites ? Nul ne peut le dire car dans cet instantané rien ne permet de savoir si son arme servira pour la chasse aux oiseaux ou si elle s’abaissera brutalement pour se retourner contre les blancs. Le conquistador, lui, plante son épée au sol. Des trois personnages, c’est le plus menaçant. Terrien assurément, il porte son regard vers la terre de l’Oriente qu’il croit riche de trésor. Conquérant, bandeirante, pionnier, valeureux, il est un peu de tout cela. La lourde croix que forme son épée n’est qu’une réplique menaçante de celle du padrecito, légère et effilée, toute tendue vers le ciel. Le ciel, la terre … C’est la direction de leur regard qui départage au final les trois personnages.

Photographie : Laurent Lacroix, 2002.